Hesperian Health Guides
L’histoire de Mira
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Quand Mira était petite, elle rêvait de vivre dans une grande maison, qui aurait l’électricité et du carrelage par terre. Son mari serait beau et gentil, et elle pourrait faire tout ce qu’elle voudrait. Mais dans la réalité, sa famille était pauvre, et Mira était la dernière de 4 filles.Parfois, quand son père buvait, il battait sa femme, et pleurait sur la malchance qui lui avait donné tant de filles.
À 14 ans, en âge d’être mariée, elle a découvert, en pleurant, que ses rêves ne deviendraient jamais réalité. Tout avait déjà été arrangé : Mira épouserait l'homme que son père avait choisi. Il avait quelques terres, et le père de Mira pensait que la famille pourrait tirer profit du mariage. Mira n'avait pas le choix.
À la naissance du deuxième enfant— un garçon —le mari de Mira a arrêté d’insister pour qu’ils aient des rapports sexuels aussi souvent. Mira en a été très heureuse. Même s’il ne lui faisait pas de mal, son mari avait des verrues sur tout le pénis, qui la dégoûtaient.Pendant les 20 années à venir, elle a accouché de 6 autres enfants, dont une petite fille qui est morte à 3 ans, et un petit garçon mort-né.
Un jour, alors qu’elle était aux latrines, Mira a vu du sang s’écouler de son vagin alors qu’elle n’était pas en période de règles.Elle n’avait jamais subid’examen médical, mais cette fois, elle a demandé à son mari si elle pouvait consulter un personnel soignant (agent de santé communautaire, infirmière, docteur, et autres). Il lui a répondu qu’il ne faisait pas confiance aux médecins, et que de toute façon, il ne pouvait pas se permettre de dépenser de l’argent chaque fois qu’elle se faisait du souci pour sa santé.
Vers 40 ans, Mira a commencé à sentir une douleur conctante dans son bas-ventre. Elle s’en inquiétait, mais ne savait pas à qui en parler. Quelques mois plus tard, elle a finalement pris la décision de ne pas obéir à son mari et d’essayer d’obtenir une assistance médicale. Elle pensait que sa vie était en danger, et a emprunté de l’argent à une amie.
Au dispensaire, on lui a donné des médicaments pour arrêter l’écoulement de sang, mais on ne l’a pas examinée. Elle est rentrée chez elle à la nuit, épuisée et désolée d’avoir désobéi à son mari et dépensé toutes les économies de son amie. Les semaines passaient, sa santé empirait, et Mira se décourageait car elle se rendait compte que le problème était toujours là.
Mira est devenue tellement faible que son mari a enfin compris qu’elle était vraiment malade. Ayant mendié un transport pour elle, ils sont arrivés à l’hôpital de la grande villelointaine. Mira a dû attendre plusieurs jours avant que l’hôpital la prennre. Là, elle a finalement appris qu’elle avait un cancer avancé du col de l’utérus. Le docteur lui a dit qu’on pouvait lui enlever son utérus, mais que le cancer s’était déjà propagé.Le seul traitement qui pourrait lui sauver la vie ne pouvait être obtenu que dans une autre partie du pays, et coûtait très cher. Le docteur lui a demandé : « Pourquoi n'avez-vous pas fait de frottis cervicaux régulièrement, en temps voulu ? Si on l'avait découvert plus tôt, on aurait pu facilement traiter votre cancer ». Mais il était déjà trop tard. Mira est rentrée chez elle, et est morte moins de 2 mois plus tard.
Pourquoi Mira est-elle morte ?
Voici quelques-unes des réponses habituelles à cette question :
Un médecin dira… |
Mira est morte d'un cancer avancé du col de l'utérus parce qu'elle n'a pas été traitée à temps.
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Un enseignant dira…
Mira est morte parce qu'elle ne savait pas qu'elle devait faire un examen visuel du col de l'utérus ou un frottis cervical.
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Un agent de santé communautaire dira...
Mira est morte parce que son mari l'a exposée à ses verrues génitales et à d'autres maladies sexuellement transmissibles. Ce qui a multiplié les risques qu’elle ait un cancer du col de l'utérus.
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Toutes ces réponses sont justes. Les femmes qui commencent à avoir des rapports sexuels à un jeune âge et qui sont exposées aux verrues génitales sont en effet plus à risque de développer un cancer du col de l’utérus. Et il est vrai que si ce cancer est détecté à temps (par un examen visuel ou un frottis cervical), il peut être guéri dans presque tous les cas.
Pourtant, ces réponses ne reflètent qu’une partie très limitée du problème. Toutes font porter la faute à une personne — Mira, ou son mari — et aucune ne cherche plus loin. Le risque de mourir d’un cancer cervical était plus élevé pour Mira, parce que c’était une femme pauvre, vivant dans un pays pauvre.
Voici quelques-uns des éléments de la chaîne de conditionrs qui ont causé la mort de Mira. C’est cette même chaîne qui cause un grand nombre des problèmes médicaux que rencontrent les femmes. |
Comment la pauvreté et le statut inférieur de la femme ont ensemble causé la mort de Mira
Explorez les causes profondes de la mort de Mira ou d’autres problèmes de santé en faisant l’exercice « Mais pourquoi ?».
Mira et sa famille étaient pauvres, de sorte que Mira a été forcée de se marier et d’avoir des rapports sexuels à un très jeune âge. En tant que femme, elle n’a eu aucun pouvoir dans sa relation avec son mari. Elle n’a pas pu décider du moment où ils auraient un enfant, ni du nombre d’enfants qu’ils auraient. Étant donné la pauvreté dans laquelle sa famille a toujours vécu, elle a été mal alimentée toute sa vie, ce qui a affaibli son corps et donc ouvert une porte à la maladie.
Si la communauté de Mira n’était pas desservie en termes de soins de santé, le dispensaire le plus proche offrait quand même certains services aux femmes, comme des services de planning familial et d’informations sur la prévention du VIH. Mais les agents de santé n’avaient reçu ni information ni formation concernant d’autres maladies spécifiques aux femmes, même les plus graves, comme le cancer du col de l’utérus. Ils ne savaient pas faire d’examen gynécologique (inspecter le vagin, le col de l’utérus, et d’autres organes reproducteurs) ou de frottis cervicaux. Ainsi, même si Mira avait été au dispensaire plus tôt, le ou la soignante n’aurait pas pu l’aider.
Mira a donc dû parcourir une longue distance et dépenser beaucoup d'argent pour voir un médecin qui serait capable de lui dire ce qu'elle avait. À ce moment-là, il était trop tard.
Enfin, le pays de Mira était un pays pauvre, qui manquait de ressources à consacrer aux services de santé. Comme dans beaucoup de pays pauvres, le gouvernement a choisi de se concentrer sur d'autres services de santé importants, mais pas sur la santé des femmes. L'argent que son gouvernement a effectivement dépensé pour la santé des femmes est allé aux coûteux hôpitaux des grandes villes, et non aux programmes communautaires destinés aux femmes comme Mira. C'est pourquoi les services de dépistage et de traitement précoces du cancer du col de l'utérus — et de nombreux autres problèmes de santé des femmes — n'étaient pas accessibles à Mira.
Les deux facteurs, pauvreté et statut inférieur de la femme, ont interagi à 3 niveaux — famille, communauté et pays — pour aboutir au problème de santé qui a causé sa mort.