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Lutter contre la pratique des coupures génitales féminines/excisions
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Sommaire
Les questions culturelles
L’excision est une pratique culturelle unique, profondément enracinée. Les stratégies de lutte contre les CGF/E doivent être spécifiquement centrées sur la complexité sociale et culturelle de la question.
Psychologie de la conformité sociale/tradition
La pratique des CGF/E est soutenue par des systèmes de croyance très forts et des questions extraordinairement complexes relatives à la vie des femmes et des filles au sein de leurs propres communautés et dans la société en général. Pratiquée avec la conviction qu’elle est dans l’intérêt supérieur de la fille, l’excision, pense-t-on, assure sa santé, sa chasteté, son hygiène, sa fécondité et un accouchement sans difficulté. Dans le contexte social l’excision assure l’honneur de la famille, le mariage d’une jeune femme et la cohésion sociale.
En tant que tradition culturelle, l’excision est pratiquée dans le cadre d’une cérémonie plus vaste visant à préparer une jeune femme au mariage et à assumer son rôle de femme adulte. La fierté d’avoir souffert sans crier, afin d’être « propre », d’être comme les autres filles d’une communauté villageoise close où l’excision est la règle, est en même temps une question de survie. Une jeune femme qui n’est pas excisée est l’objet de dérision et de rejet ; elle est encore considérée comme une enfant, impure et sale, encline à la sorcellerie et qui ne peut pas être mariée. Stigmatisée et socialement isolée, tout ce qui est considéré comme faisant partie du rôle de la femme dans la vie lui est refusé . Le désir des jeunes femmes d’une sécurité économique et sociale apportée par le mariage, et celui d’être mère, contribuent à la poursuite de cette pratique.
La question intergénérationnelle joue également un rôle dans la perpétuation des excisions, en particulier dans les zones rurales. Par respect pour ses aînés, pour conserver intacte la culture de la communauté, et garder sa place dans la société, la jeune génération continuera de pratiquer la CGF/E aussi longtemps que les aînés refuseront de renoncer à la pratique en tant marque de leur identité culturelle.
Outre ces raisons sociales, certains mythes physiologiques sont souvent associés à la pratique des CGF/E. La réalité physiologique est que les CGF/E n’ont pas d’avantages connus pour la santé, et qu’elles sont néfastes à bien des égards pour les filles et les femmes.
Toutes les pratiques traditionnelles ne sont pas nuisibles au bien-être de l’individu. Une stratégie judicieuse de lutte contre les CGF/E doit tenir compte des valeurs fondamentales du groupe social et opposer des valeurs sociales positives aux pratiques nocives. Les stratégies culturellement adaptées doivent émaner de la communauté ellemême. Pour qu’il y ait un changement durable, la décision d’abandonner l’excision doit être un engagement de la communauté.
Tableau 2 : | |
Mythes et réalités physiologiques quant aux CGF/E | |
Mythes qui justifient l’excision | Réalités des conséquences de l’excision |
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Extrait de: Femmes en bonne santé, mères en bonne santé. Family Care International: New York, 1998
Les exciseuses
Dans les régions où l’excision est pratiquée, les exciseuses ont une place importante dans leur communauté. Les connaissances et l’aptitude des exciseuses traditionnelles sont généralement transmises de génération en génération au sein d’une famille ou d’une caste. Elles connaissent la médecine traditionnelle et les praticiens des sciences occultes, bien informés des traditions liées à la protection contre le mal. Ce rôle joué dans la société confère aux exciseuses le pouvoir, la condition sociale et l’argent, toutes choses qui ne sont pas habituellement accordées aux femmes.
L’excision est une source importante de revenus pour les praticiennes. Les exciseuses traditionnelles effectuent non seulement les opérations de l’excision, mais aussi l’ouverture de l’orifice vaginal pour préparer au mariage et à l’accouchement, et refont la même opération après l’accouchement. Chaque étape est une source de revenus. En milieu urbain, les femmes qui effectuent des opérations d’excision dans l’arrière-cour de leur maison, demandent entre 1500 et 2000 FCFA (3 à 4 USD) par jeune fille, de sorte que même les familles les plus pauvres peuvent généralement se le permettre.
Il est important d’informer les exciseuses des effets néfastes des CGF/E et de mettre en valeur leur rôle de gardiennes de la santé dans la communauté. Pour éliminer la pratique de l’excision, leur importance dans le domaine de la santé de la communauté doit être maintenue ; on doit également leur trouver d’autres activités génératrices de revenus.
Pourquoi les choses doivent changer
Les valeurs sociales et culturelles, les besoins physiologiques, les obligations traditionnelles et religieuses, la nécessité économique, quelle que soit la justification qu’on donne à la poursuite de la pratique de l’excision, la réalité est que les risques pour le bien-être mental, physique et social de la femme dépassent largement les avantages de cette pratique. Perçue également par certains comme un exemple spécifique de violence contre les femmes et les filles, l’excision viole plusieurs droits humains fondamentaux, parmi ceux-ci le droit au libre choix, à l’intégrité corporelle, à la sécurité et à la santé.
La santé
Les interventions des CGF/E sont douloureuses et dangereuses . Elles peuvent entraîner de sérieuses complications, tant au moment où elles sont effectuées, que plus tard pendant l’accouchement Des infections graves et des saignements très abondants conduisent souvent à la mort. L’utilisation d’instruments mal stérilisés peut causer la transmission du VIH. Les femmes excisées peuvent souffrir de douleur intense pendant les règles, de relations sexuelles difficiles et douloureuses, d’infertilité, ou de complications pendant l’accouchement. L’incontinence fécale ou urinaire résultant de l’excision conduit souvent au divorce et à l’ostracisme social. L’excision est médicalement et psychologiquement nocive.
Droits humains
Les CGF/E, qui interfèrent avec les tissus génitaux sains sans aucune raison médicale, violent le droit à la santé de la personne, en particulier le droit à une vie sexuelle normale. Elles peuvent avoir des conséquences graves sur la santé physique et mentale d’une femme et l’empêcher de s’engager pleinement dans ses rôles sociaux, y compris ceux d’épouse et de mère.
Même si aucun problème de santé ne survient suite aux CGF/E, la fille ou la femme a tout de même été brimée et ses droits à l’intégrité corporelle, à la sécurité et à la santé ont été violés au nom de la tradition. Le droit d’une jeune fille à être protégée par sa famille a été violé, ainsi que son droit à l’intimité et au choix, alors qu’elle n’était pas assez âgée pour accepter cette pratique délibérément.
Certains groupes réclament de nouvelles lois pour rendre illégales les mutilations génitales féminines et pour punir ceux qui les pratiquent. Ces lois doivent être soigneusement rédigées, afin que l’excision ne se poursuive pas secrètement dans les communautés où elle est pratiquée ; cela pourrait être encore plus dangereux. Les filles et les femmes qui ont subi des CGF/E devraient ne pas avoir peur de demander une assistance médicale si elles ont des problèmes.
Notamment dans l’optique des traditions changeantes, la disparition des rites de socialisation, et l’excision pratiquée sur les filles toujours plus jeunes, les CGF/E sont moralement incorrects.
Sensibilisation communautaire
L’élimination des coupures génitales féminines nécessitent une base solide. Les valeurs sociales qui soutiennent la pratique doivent être abordées. Les communautés elles-mêmes doivent soulever les problèmes et définir les solutions concernant l’abandon de l’excision, en opposant des valeurs sociales positives aux pratiques nocives. Pour soutenir les changements de comportement durables, la prévention des CGF/E doit comporter un axe d’éducation et l’implication de tous les membres de la communauté.
Le processus décisionnel est complexe. La décision d’abandonner l’excision doit être collective. Les parents désireux d’abandonner la pratique se sentiront en confiance sachant que d’autres l’abandonnent et protègent les droits de toutes les filles. Une nouvelle norme sociale peut être établie qui pourra assurer le mariage des filles non excisées, et le statut social de leurs familles .
Les groupements féminins
Certaines femmes qui ont été excisées pourraient percevoir les efforts de la lutte contre la pratique comme une atteinte à leur identité et culture. Elles sont mieux impliquées dans les programmes qui abordent l’excision sans parti pris, en s’y référant comme à un problème de santé, de droits humains et d’égalité des genres. Lorsqu’on fait appel à elles en tant que leaders de leur communauté, elles deviennent souvent les gardiennes farouches des droits et de la santé des femmes. Les groupements féminins peuvent jouer un rôle clé en incitant la communauté à abandonner l’excision.
Les chefs religieux
Certains chefs religieux soutiennent la pratique de l’excision en tant qu’acte religieux. D’autres la soutiennent dans leur rôle de défenseurs de la culture et de la religion. D’autres encore sont engagés dans des actions visant à l’éliminer. Le rôle des leaders religieux varie, mais il ne fait aucun doute qu’ils ont une forte influence sur leurs communautés. Leurs paroles sont respectées. On peut faire appel à eux pour faire valoir que l’excision n’est pas une obligation religieuse, qu’il n’y a aucun texte religieux qui recommande cette pratique douloureuse et dangereuse. Parfois, la tradition peut exercer une influence plus forte que la religion. Dans ce cas, et dans leur rôle de protecteurs de la tradition, les chefs religieux peuvent aborder l’opposition entre les dangers de l’excision et les valeurs sociales traditionnelles. Les chefs religieux sont un élément vital dans la lutte contre l’excision.
Les écoles
Les écoles peuvent offrir un cadre de rencontre avec les jeunes pour les sensibiliser à la nocivité des CGF/E. On peut former les enseignants de sorte qu’ils puissent organiser des discussions dans les cours où les questions de religion, de droits humains et de genre sont abordées. Des matériels didactiques peuvent être développés et intégrés dans les programmes scolaires, et dans les matières comme les sciences, la biologie et l’hygiène. Artistes et autres modèles de comportement positif peuvent être amenés dans les écoles. Les activités sociales peuvent également offrir un cadre de forum à la sensibilisation sur l’excision. Les jeunes – garçons et filles – doivent participer aux discussions. Ils sont souvent ouverts au changement, et peuvent être eux-mêmes des agents dynamiques du changement.
Les médias, les personnalités publiques et les réunions communautaires peuvent tous être utilisés pour transmettre des messages sur les CGF/E. Ceux-ci doivent être fondés sur des preuves et adaptés aux perceptions et aux connaissances de chaque groupe. Tous les groupes de la communauté devraient avoir la même information de base pour animer le dialogue inter-groupes. Il est important de rester sensible aux préoccupations culturelles locales et religieuses et d’encourager le dialogue entre les générations, le cas échéant, lorsqu’on développe des initiatives visant à faire abandonner les coupures génitales féminines. Un changement durable n’interviendra que lorsque la plus grande partie de la communauté sera consciente de la nécessité du changement et sera activement engagée à éliminer la pratique de l’excision.
Rôle de la sage-femme
Parce que l’excision viole l’intégrité physique d’une femme en altérant la santé de ses organes génitaux et en limitant ses capacités sexuelles et reproductrices, il est impératif que les sages-femmes, ainsi que les autres travailleurs sociaux et agents de la santé, prennent des mesures pour éliminer les pratiques et minimiser ses effets négatifs. Ils doivent, au moins, reconnaître les dommages causés par les CGF, aider les victimes et participer aux activités de sensibilisation en vue de changer les comportements vis-à-vis de cette pratique.
On doit apprendre aux sages-femmes à reconnaître les conséquences négatives des CGF/E sur la santé féminine et les problèmes que les mères et les bébés peuvent rencontrer pendant la grossesse et l’accouchement. Généralement au courant des traditions et croyances locales, les sages-femmes peuvent aborder les questions liées à l’excision en s’appuyant sur la culture.
Les sages-femmes sont dans une position de confiance. Les femmes peuvent se tourner vers elles pour solliciter leur soutien lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de santé ou d’ordre psycho-social liés aux CGF/E. Dans le cadre des soins prénatals et postpartum, les sages-femmes peuvent éduquer et conseiller les femmes autour des CGF/E et problèmes connexes. Elles peuvent adapter les procédés d’examen lorsque cela est nécessaire pour le confort d’une femme, et peuvent aussi aider les femmes à planifier à l’avance leur accouchement si elles croient que des problèmes peuvent surgir.
Les sages-femmes devraient être chargées sensibiliser les gens aux problème des CGF/E, en travaillant activement avec les femmes et leur communauté dans leurs efforts pour apporter le changement. Les sages-femmes, en tant que femmes et leaders de la communauté, devraient user de leur influence qui est considérable pour changer les comportements et contribuer à l’éradication des CGF/E.